« L'UNE DES CRISES HUMANITAIRES LES PLUS GRAVES DE NOTRE ÉPOQUE » — Trois ans de guerre : comment les femmes ukrainiennes s’entraident au quotidien.

Alors que l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie s’apprête à entrer dans sa quatrième année, plus de 1,7 million de femmes et de filles restent déplacées à l’intérieur du pays, selon les données de l’OIM. La guerre a eu des conséquences dévastatrices pour les 3,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine, et elle impose également des charges spécifiques aux femmes et aux filles.

L’impact de la guerre en Ukraine sur les femmes

« L’invasion continue de l’Ukraine par la Russie a créé l’une des crises humanitaires les plus profondes de notre époque, affectant de manière disproportionnée les femmes et les filles », déclare Halyna Skipalska, directrice exécutive de la Fondation ukrainienne pour la santé publique et directrice nationale de HealthRight International en Ukraine.

« De nombreuses femmes portent la charge de mères et de soignantes, tandis que d’autres sont contraintes de fuir en tant que réfugiées ou s’engagent activement comme bénévoles et leaders communautaires dans les efforts de reconstruction », ajoute-t-elle.

Violences basées sur le genre en Ukraine

En 2024, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) estimait que 2,5 millions de personnes en Ukraine, principalement des femmes et des filles, avaient besoin de services de prévention et de prise en charge des violences basées sur le genre.

Pour répondre à ce besoin, ONU Femmes apporte un soutien technique à la fondation de Skipalska et à son projet SafeWomenHUB, qui accompagne les femmes et les filles sur les lignes de front de la guerre. Depuis avril 2022, les psychologues, travailleurs sociaux et spécialistes juridiques du projet ont fourni plus de 46 000 consultations et services à 19 500 femmes et filles, soutenant les survivantes de violences domestiques, de violences sexuelles liées au conflit et d’autres formes de violences basées sur le genre.

Skipalska partage des témoignages de femmes bénéficiaires de SafeWomenHUB, comme cette femme qui a déclaré pouvoir « s’asseoir à côté d’un homme dans un bus sans ressentir une peur écrasante », ou une autre qui a enfin pu rendre visite à son père dans un hôpital militaire sans être paralysée par l’anxiété à la vue des uniformes militaires.

« Les retours que nous recevons des survivantes soulignent l’impact transformateur de notre travail », explique Skipalska. « Les femmes nous disent qu’elles dorment mieux, qu’elles ressentent moins d’anxiété et font moins de cauchemars, et qu’elles retrouvent la capacité d’interagir socialement. »

ONU Femmes collabore également avec des groupes locaux comme JurFem, l’une des premières associations de femmes juristes en Ukraine, pour fournir un soutien juridique aux survivantes et réformer le cadre législatif ukrainien en matière de violences sexuelles.

« Lorsqu’on parle de violences basées sur le genre et de violences sexuelles non liées au conflit, il n’y a toujours pas assez de ressources et de soutien », explique Khrystyna Kit, présidente du groupe JurFem. « La majorité des ressources sont actuellement mobilisées pour répondre aux besoins liés à la guerre, ce qui est compréhensible, mais nous devons aussi soutenir les organisations qui s’occupent des violences hors contexte de guerre, afin d’améliorer l’accès à la justice et d’accompagner les femmes en général.»

JurFem milite pour une réforme structurelle de la gestion des cas de violences sexuelles en Ukraine.

« Nous avons constaté que dans les cas de violences sexuelles, les victimes hésitent à contacter les forces de l’ordre et préfèrent résoudre la situation seules. Elles ne leur font pas confiance et doutent de l’efficacité de leur travail », explique Kit. « Nous avons donc adapté notre approche pour renforcer la confiance dans le système judiciaire, sensibiliser sur l’importance de signaler les violences et informer les victimes sur les ressources disponibles pour les aider. »

Soutien communautaire porté par les femmes en Ukraine

La guerre n’a pas seulement accru les besoins des survivantes de violences sexuelles et basées sur le genre, elle a également eu des conséquences économiques désastreuses pour de nombreuses femmes ayant perdu leur emploi et leurs moyens de subsistance.

Kateryna Zhuchenia travaille à accompagner les femmes déplacées dans la reconstruction de leur carrière en tant que responsable de programme pour l’organisation Happy Monday. L’initiative Women for the Future de Happy Monday, soutenue par ONU Femmes, a touché plus de 74 000 femmes depuis 2022, en leur proposant des programmes d’emploi destinés à les aider à retrouver un travail stable et bien rémunéré, leur permettant de regagner leur indépendance financière.

« Chaque jour, nous accompagnons des femmes qui portent une lourde charge physique et émotionnelle due à la guerre à grande échelle », explique Zhuchenia.

« Nous soutenons celles qui ont des proches sur le front, celles qui assument seules la responsabilité de leur famille, et celles qui cherchent à se développer professionnellement pour subvenir aux besoins de leurs proches », poursuit-elle. « C’est une tâche difficile, mais cela nous motive aussi à aider celles qui, à leur tour, pourront aider d’autres femmes. »